Abus de droit

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Être titulaire de droits ne signifie pas avoir un pouvoir absolu. La notion d'abus de droit permet ainsi d'encadrer, de limiter l'usage d'un droit en sanctionnant tout exercice déraisonnable, excessif, de mauvaise foi... de ce droit.

Abus de droit : usage général

L'abus de droit est une situation qui peut exister dans toutes les branches du droit.

Exemple : un voisin a le droit de construire un mur, mais le fait de le construire d'une hauteur importante simplement pour nuire à son voisin constitue un abus de droit.

Un abus de droit peut être sanctionné par une condamnation à payer des dommages et intérêts à la victime de l'abus mais aussi par une amende civile. La notion d'abus de droit est une notion essentiellement rencontrée en matière fiscale.

Définition de l'abus de droit en matière fiscale

L'abus de droit est défini par les articles L. 64 et L. 64A du Livre des procédures fiscales.

Il recouvre trois situations :

  • Les actes purement fictifs, c'est-à-dire mensongers. Il s'agit d'une simulation opérée pour se soustraire en totalité ou en partie à l'impôt (= abus de droit par simulation).

Exemple : une vente (imposée autour de 5 % environ) qui est en réalité une donation déguisée (qui peut être imposée jusqu'à 60 % environ) est un cas d'abus de droit fiscal.

  • Les actes qui ont pour motif exclusif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales (TVA, droits de succession, IFI, etc.). Bien souvent, l’administration fiscale qualifie cet abus de droit en fraude à la loi (= abus de droit par fraude à la loi).

Exemple : déclarer un crédit d'impôt inexistant pour payer moins d'impôt sur les revenus.

Exemple : dans le cadre d'une donation à des beaux-enfants, l'administration fiscale a commenté un avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal le 17 avril 2018 (CADF-AC n° 1/2018). En l'espèce, l'abus de droit est caractérisé par deux donations en cascade d'un époux à son épouse, puis de celle-ci à ses propres enfants, qui révèlent une intention libérale de l'époux à l'égard de ses beaux-enfants. L'étape préalable de la donation à l'épouse ne poursuivait d'autre but que d'échapper au tarif de 60 % des droits de donation entre personnes non parentes.

Bon à savoir : la loi de finances pour 2018 a supprimé l'ISF pour le remplacer par l'IFI (impôt sur la fortune immobilière). Les règles relatives en matière d'abus de droit et d'ISF restent les mêmes pour l'IFI.

Ainsi, le contribuable a dissimulé à l'administration fiscale la véritable nature de l'opération. L'administration fiscale est alors fondée à rétablir le véritable caractère de l'opération.

Avant le 1er janvier 2021, seuls les actes qui avaient pour seul objectif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales pouvaient être poursuivis dans le cadre d'une procédure pour abus de droit. Si le contribuable poursuivait d'autres objectifs, par exemple patrimoniaux ou financiers, l’abus de droit ne pouvait être invoqué par l’administration. 

  • Les actes qui ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (article L. 64A du Livre des procédures fiscales). À compter du 1er janvier 2021 (pour les actes passés à partir du 1er janvier 2020), la notion d’abus de droit vise donc aussi les actes à but principalement fiscal (et non plus seulement à but exclusivement fiscal). 

Attention : il ne faut pas confondre l'abus de droit avec les choix fiscaux laissés à l'appréciation du contribuable dans le but de réduire son impôt en toute légalité.

Exemple : si le contribuable a commis une erreur d'évaluation du prix de vente d'un immeuble, les services fiscaux peuvent opérer un redressement fondé sur la valeur réelle mais ne peuvent pas le poursuivre dans le cadre d'un abus de droit.

Procédure et sanction des abus de droit

La procédure de l'abus de droit

La procédure de l’abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut être mise en œuvre lorsque la situation constitutive de l’abus porte sur l’assiette, la liquidation de l’impôt ou son paiement.

  • La procédure est stricte et formelle.
  • Suite à la notification des services fiscaux, le contribuable doit lui fournir, s'il n'est pas d'accord, dans les 30 jours de la notification, tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de ces actes.
  • Ensuite, si l'administration fiscale n'a pas répondu dans un délai de six mois ou a confirmé que l’opération présentée ne constituait pas un abus de droit, la procédure s'arrête là.

Important : la notification adressée par les services fiscaux doit être motivée, sans cela, la procédure peut être invalidée pour vice de forme.

La saisine du comité de l'abus de droit fiscal

Le contribuable et l’administration fiscale peuvent saisir le comité de l’abus de droit fiscal. Cette autorité est chargée de délivrer des avis et peut auditionner aussi bien le contribuable que l’administration.

Bon à savoir : si l'avis du comité est défavorable au contribuable, la charge de la preuve est renversée, c'est-à-dire que c'est au contribuable de prouver qu'il n'a pas commis d'abus de droit.

Les sanctions en cas d'abus de droit

En cas d’abus de droit révélé, le contribuable s’expose à de lourdes sanctions financières. En principe, il doit payer une majoration de 80 % des impôts réellement dus, ou exceptionnellement de 40 % lorsqu'il est établi que le contribuable n'a pas eu l'initiative principale de l'acte abusif ou qu'il n'en a pas été le principal bénéficiaire. Outre la majoration, il faut également ajouter les intérêts de retard.

Bon à savoir : dans le cadre du renforcement de la lutte contre la fraude, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 a créé une amende pour les professionnels du conseil juridique, financier et comptable, ou détenant des biens ou fonds pour le compte d'un tiers, qui ont intentionnellement fourni à leur client une prestation visant à constituer une manœuvre frauduleuse (article 1740 A bis du Code général des impôts). Cette amende correspond à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie sans pouvoir être inférieure à 10 000 €.

À noter : les personnes morales faisant l’objet d’amendes ou de majorations en raison de manquements graves caractérisés par une fraude d’un montant minimum de 50 000 € peuvent faire l’objet d’une sanction administrative complémentaire. Cette sanction consiste à rendre public le montant des droits fraudés, le montant des amendes et majorations appliquées, la dénomination du contribuable, l’activité et le lieu d’exercice de cette activité (article 1729 A bis du CGI).

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Avant toute procédure d'abus de droit : le rescrit fiscal

Le rescrit fiscal est régi par l'article L. 64 B du Livre des procédure fiscales. Il s'agit d'une consultation préalable. Elle consiste, pour le contribuable, à adresser à l’administration fiscale un courrier par lequel il lui soumet les actes ou le montage fiscal qu'il projette de mettre en place. Cette démarche est effectuée par le contribuable avant toute procédure.

L’administration doit, alors, lui répondre et valider ou non ce projet dans un délai de 6 mois, son silence valant acceptation. Dans le cas où l’administration a validé l'opération, elle ne pourra plus la contester ultérieurement dans le cadre d'une procédure pour abus de droit.

Important : le contribuable doit dans son courrier être très précis et n'omettre aucun détail, au risque d'être poursuivi dans le cadre de la procédure pour abus de droit ou de faire l'objet ultérieurement d'un redressement fiscal.

Le législateur a complété la procédure de rescrit générale par des procédures de rescrit spéciales qui prévoient une réponse de l'administration dans un délai encadré par la loi à certaines demandes de prises de position formelle, l'absence de réponse dans ce délai valant accord implicite. Ainsi :

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